• C'est ça les nouveaux yogis


    C'est ça les nouveaux yogis

    C'est en 2006 que j'entends parler de la méditation Vipassana pour la première fois. Je suis en Inde, assise à une terrasse quand mon attention est captée par deux femmes qui parlent français. L'une explique à l'autre son désir d'arrêter de fumer et pour cela s'est inscrite à un cours de dix jours de Vipassana. Comme son amie ne connaissait pas la technique, elle lui explique:
    '' c'est dix jours de méditation à raison de dix heures par jour et en silence pendant les dix jours.'' et elle rajoute:
    '' et si ça ne suffit pas, j'en refais un second juste après !''
    Ces quelques mots m'atteignent en plein cœur et je SAIS déjà qu'un jour je tenterai cette expérience extraordinaire et totalement au dessus de mes forces à ce moment-là. Cette information  reste gentiment logée dans mon cerveau encore deux années avec la certitude que le moment viendrait.
    Bodhgaya,  janvier 2008, j'ai quelques jours d'attente avant de rejoindre Joëlle à Pondichéry. Le cours commence le premier janvier, je n'ai aucune idée de cette technique, aucune idée de ce qui m'attend. Je m’inscris.

     
    Ma première expérience Vipassana, Bodhgaya, janvier 2008

    Premier jour:

    Le gong nous réveille à 4heures du matin pour la méditation de 4h30 à 6h30.
    Je me demande si je vais tenir la première heure, là, assise sur mon coussin, parmi tous ces gens qui ont l’air de savoir ce qui se passe. La veille au soir on nous a demandé d’être attentif à notre respiration et simplement observer l’air qui entre et l’air qui sort. C'est terriblement long et fastidieux. Puis les deux heures sont écoulées, tout le monde sort du hall de méditation pour rejoindre le réfectoire, l’air bien concentré. Le petit déjeuner, en silence, bien sûr, est bienvenu.
    Puis on nous donne à chacune un seau d'eau chaude pour la toilette. Je ne sais même pas à quel point j'ai de la chance, les hommes, eux, n'ont que de l'eau froide, je l'ai appris à la fin du cours.
    Il est 7heures du matin, il fait nuit et c'est l'hiver. De la gelée blanche couvre le sol à cette heure matinale dans le nord de l'Inde. Je suis dans la galère mais ne voudrais pas en sortir. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Il faut croire que j’aime souffrir.
    Le fait de ne pas parler nous rend conscient de notre papotage mental. Je n’aurais jamais imaginé avoir autant de brouhaha dans la tête. Il semble qu’on  puisse le stopper en appliquant la technique. Je prends conscience de mon inspiration mais mon esprit est déjà en vadrouille pour l’expiration.
    Et quelle n'est pas ma surprise de constater qu'il s'agit-là de l'enseignement de Bouddha ! Je pensais que son enseignement était philosophique, théorique, comme tous les autres. Et il s'agit d'une méthode, d'une technique que chacun peut appliquer et qui mène à l'éveil total! Et heureusement que je l'ignorais car je n'aurais sans doute pas donné suite! Je ressens plutôt la nécessité de désapprendre et créer l’espace plutôt qu’encore ingurgiter de nouvelles connaissances. En fait, cette technique est exactement ce que je cherchais sans savoir où le trouver...
    Par quels méandres sommes-nous donc guidés...
    De 8heures à 11heures, méditation avec pour seule instruction: focaliser notre pensée sur notre respiration. Je tiens une seconde, quelquefois deux, et hop ! L’esprit s'en va et je ne m’en rends pas compte… impressionnant !
    Le but étant de calmer et domestiquer le mental, celui-ci ayant compris ce qu'on attend de lui ne l'entend pas de cette oreille. Jusqu'à présent c'est lui qui commandait et on veut lui retirer ce privilège ? Il se rebiffe et les pensées surgissent, incontrôlables. Passé, futur, un cheval sauvage qui s'échappe quand on croit le tenir, bondissant sans cesse. Quelques secondes de calme et le revoilà qui s'emballe. Je me rends compte que la maîtrise de la pensée n’est pas une mince affaire. C’est le travail des yogis. Et c’est exactement ce que je désirais apprendre. Alors… au boulot !
    Les trois heures qui nous séparent du repas sont écoulées. On n'a même pas fait la moitié de la première journée. Tout mon corps souffre. Je ne sais plus comment me tenir. Je me tortille sur mon coussin, essayant de trouver une position mais en vain. Quelques personnes ont abandonné ce premier jour mais moi je tiendrai quoi qu'il m'en coûte. Je suis en admiration devant les anciens qui ressemblent à des statues de Bouddha et ne bougent pas d'un poil. Comment font-ils? Ça me paraît inaccessible.
    Ne tenant plus, je vais voir l'enseignant. J'aimerais avoir au moins un tabouret pour alterner.
    Les yeux rieurs et très gentiment il m'affirme :'' - Si tu as mal c'est que tu es en réaction, laisse aller tout simplement et concentre toi sur ta respiration.''
    Si je n'étais pas en réaction consciente cette fois je le suis. Il en a de bonnes, lui, il a l'habitude d'être assis en lotus depuis l'enfance!
    Alors je commence à ruminer: mal partout, pas d'eau chaude, pas de prise électrique dans la chambre, je suis assise près de la porte et je sens les courants d'air...
    On n'a rien à se mettre sous la dent que la respiration sans le moindre mantra, pas d'image, rien! C'est ce qu'il y a de plus difficile. Le soir je suis rompue mais je veux savoir la suite.
     

    Deuxième jour 4heures.

    J'ai l'impression d'avoir été rouée de coups, tous mes muscles sont endoloris.
    Et on remet ça mais avec une variante: non seulement on se concentre sur la respiration mais on doit ressentir le contact de l'air sur les narines et la lèvre supérieure.
    On tient quelques secondes pour s'apercevoir au bout d'un certain temps qu'on est bien loin de nos narines. Et on revient, on revient sans cesse, encore et encore.
    Ce deuxième jour est un supplice, un vrai calvaire. Tout le dos est endolori, les jambes pleines de crampes.
    On nous laisse souffrir avant de nous expliquer:
    Pour apprendre l'art de vivre harmonieusement, il faut d'abord trouver la cause du manque d'harmonie. La cause se trouve toujours en soi et c'est pour cette raison qu'il vous faut explorer notre propre réalité. Cette technique nous aide à examiner notre propre structure mentale et physique, envers laquelle il y a tellement d'attachement, qui n'apporte que tensions et souffrance. Au niveau de l'expérience, il faut comprendre notre propre nature, mentale et physique; alors seulement peut-on ressentir ce qui existe au-delà de l'esprit et de la matière. C'est pourquoi c'est une technique de réalisation de la vérité, de réalisation de soi, en examinant la réalité de ce que l'on appelle le "moi".
    L'expérience directe de la réalité est fondamentale. "Connais-toi toi-même" : de la réalité superficielle, apparente, grossière, aux réalités plus subtiles, jusqu'à la réalité la plus subtile concernant l'esprit et la matière.
    Lorsqu'on a fait l'expérience de cela, il est alors possible d'aller plus loin et de connaître la réalité ultime, au-delà de l'esprit et de la matière.
    Pour entamer ce voyage, la respiration est le point de départ approprié. Si on utilise un objet d'attention de notre propre création, imaginaire - un mot ou une forme - cela ne fera qu'aboutir à de plus grandes chimères, encore plus d'illusion; cela ne nous aidera pas à découvrir les réalités les plus subtiles nous concernant. Pour aller vers une vérité d'essence plus subtile, la vérité doit être le point de départ, une réalité apparente, grossière, telle que la respiration. De plus, si l'on utilise un mot ou la forme d'une divinité, la technique devient alors sectaire. Un mot ou une forme seront associés à une certaine culture, à une religion ou une autre, et qui vient d'un milieu différent les trouvera inacceptables.
    La souffrance est une maladie universelle. Le remède à cette maladie doit être également  universel. La conscience de la respiration répond à ce besoin. La respiration est commune à tous : tous peuvent consentir à l'observer. La respiration est la seule fonction du corps à la fois consciente et inconsciente. Si on l’observe, on peut la modifier, la ralentir, l’accélérer, la suspendre… Lorsqu’on n’y prête plus attention, elle reprend son rythme propre. C’est pourquoi on peut dire que la respiration est un pont entre le conscient et l’inconscient.
    '' - les méditations utilisant des supports, mantras, images, visualisations... traitent le conscient. Celles qui utilisent le corps dont il fait l'expérience physique guérissent l'inconscient en s'attaquant aux causes profondes.
    Les douleurs ressenties en méditation ne sont autres que de vieilles souffrances stockées dans les cellules qui remontent à la surface. On met en application la loi de la nature en observant objectivement ce qui est, ici et maintenant.
    Au fil des incarnations on accumule une quantité d'émotions de toutes natures qui encrassent nos cellules et sont la cause de nos souffrances physiques et mentales.
    Mais décidément j'ai trop mal, tout cela, c’est encore pour moi que des mots qui ne résonnent pas et je décide que je peux tout aussi bien méditer allongée sur mon lit. C'est ce que je fais avec un bonheur indescriptible et m'endors comme une masse. Que c’est bon!
    On nous fait remarquer que même les Indiens qui ont l'habitude de s'assoir sur le sol souffrent. C'est vrai, ça! Ils se tortillent aussi, mais moins que moi!
    Et aussi autre chose: je tiens un certain temps, bien concentrée, quand tout à coup je me dis : ''- tiens, je n'ai pas mal...'' Et là c'est la catastrophe. Toutes les douleurs reviennent en force, le dos et les jambes font cruellement souffrir, impossible de me reconcentrer. Il a suffit de mettre l'attention pour que ça devienne intolérable.
    Ce n'est donc pas le corps physique qui souffre mais bien le corps mental.
    Ce jour apporte une nouvelle précision. On doit focaliser toute notre attention sur les sensations présentes autour des narines et la lèvre supérieure. Au bout d'un moment je sens que tout bouge et j'ai l'impression d'avoir un groin qui furète partout comme un cochon. C'est très amusant. Il a suffit que je reste très concentrée sur cette partie pour le ressentir.
    Et bien c'est normal, j'ai tout simplement ressenti l'énergie à cet endroit.
    La fin de ce troisième jour apporte cependant un réel soulagement. Les pensées s'apprivoisent, je commence à les tenir en place tant bien que mal au moins trois secondes... Je découvre aussi que la nature des pensées change. Ce ne sont plus des pensées de réaction ou tournées vers le passé ou le futur mais des pensées plus élevées, plus vibrantes. Je me sens incontestablement plus joyeuse. L'esprit se purifie, il s'apaise et je me surprends même à penser : '' vivement demain matin 4heures ! '' quel progrès !
    Mais à 4 heures, le son de la cloche est si lointain que je n'émerge pas et rejoins le groupe à 5heures.
    Le quatrième jour on nous informe:'' - aujourd'hui on commence réellement Vipassana. Aie! Qu'est-ce qu'on a donc fait ces trois derniers jours?
    On n'a fait que calmer le mental, apprendre à affûter et aiguiser l'esprit qui n'a pas l'habitude de se concentrer. A présent vient la méthode proprement dite. Ça m'inquiète.
    À tort! À présent, même si c'est encore difficile, je me sens bien, beaucoup plus légère. Mes pensées se disciplinent, je comprends le processus.
    Maintenant on travaille sur tout le corps en commençant par le sommet de la tête pour finir par les doigts de pieds. On est attentif à toutes les sensations qui apparaissent et disparaissent. Tous les nœuds, tensions, douleurs, picotements... apparaissent et disparaissent. Tous les désirs inassouvis, aversions, avidités stockés dans les cellules remontent à la surface et sont déracinés. On se sent effectivement nettoyé, purifié. D'autres sensations apparaissent et ainsi de suite par couches successives on travaille à notre libération. C'est du concret.
    Les sensations sont directement liées à l'esprit. À chaque fois que nos cinq sens et l'esprit entrent en contact avec un objet de perception, une sensation s'inscrit dans le corps, agréable ou désagréable. La sensation dure tant que dure le contact et provoque une réaction: j'aime, j'aime pas. Si la sensation est agréable on développe immédiatement du désir, de la dépendance. Si la sensation est désagréable, on développe de l'aversion, colère, haine... En fait, une partie de l'ignorance réside dans la réaction à nos sensations. En observant les sensations dans le corps et en gardant l'esprit équilibré, on permet aux vieux stocks d'impuretés de remonter du subconscient et d'être définitivement éliminés.
    Chaque réaction mentale est une graine qui donne un fruit, et toutes nos expériences dans la vie sont des fruits, des résultats de nos propres actions, passés ou présents. Cela signifie donc que : "Tout ce qui surgit, qui se constitue, disparaîtra, se désintégrera." Le fait d'accepter cette réalité au niveau émotionnel ou intellectuellement, ne purifiera pas l'esprit. Elle doit être acceptée en faisant l'expérience à l'intérieur de soi. Si nousen faisons l'expérience de façon directe en observant nos propres sensations physiques, alors la compréhension qui en découle est une sagesse réelle, notre propre sagesse. Et à l'aide de cette sagesse nous nous libérons de la souffrance. Même si la douleur demeure, nous n'en souffrons plus. Au lieu de cela nous pouvons lui sourire parce que nous pouvons l'observer.
    La vieille habitude mentale consiste à essayer de repousser les sensations douloureuses et retenir celles qui procurent du plaisir. Tant que nous jouons le jeu de plaisir-et-douleur, répulsion-attraction, l'esprit reste agité, et notre souffrance augmente. Mais dès que nous apprenons à observer objectivement, sans nous identifier aux sensations, alors le processus de purification se met en œuvre, et la vieille habitude qui consiste à réagir aveuglément  perd peu à peu de sa force et se brise. Il suffit que nous apprenions à observer ce qui est.
    L'équanimité doit être pratiquée au niveau des sensations du corps afin de réaliser un vrai changement dans sa vie. A chaque instant, des sensations se produisent dans le corps. En général, l'esprit conscient ne s'en aperçoit pas, mais l'esprit inconscient les ressent et y réagit avec désir ou aversion. Si l'on exerce l'esprit à devenir pleinement conscient de tout ce qui se passe au sein de la structure physique, tout en demeurant équanime,  on brise alors la vieille habitude de réaction aveugle. On apprend à rester équanime dans chaque situation, ce qui permet de mener une vie heureuse et équilibrée. 
    Voilà comment je conçois un travail au niveau cellulaire, cette fois je sens ce que je fais. Plus besoin d'aller voir des thérapeutes qui travaillent sur les énergies où on ne sent rien et qui nous soulagent... d'une cinquantaine d'euros à défaut de nos maux!
    Cette nuit pendant mon sommeil j'ai senti un flux d'énergie traverser tout mon corps comme un long frisson d'électricité. Je me suis sentie toute vibrante d'énergie.
    À la fin du quatrième jour on nous demande de méditer comme on nous l'a indiqué, mais une heure complète sans bouger ni les yeux, (ça, ça va ) ni les mains ,( ça va aussi ) ni les jambes, ( là, ça se corse!) Je tiens une bonne demi-heure puis mets mon attention dessus et c'est la cata ! J’ai vraiment trop mal.
    Et une image me vient: je vois, là devant moi, Jésus et Bouddha ensemble comme une paire de vieux potes, riant à se tenir les côtes, gentiment moqueurs. Je me vois là, toute crispée, tendue dans un '' je tiendrais!'' râlant, pestant, pitoyable mais franchement drôle. Je les sens me dire: '' détend-toi, tu n'as jamais fait ça, assise par terre, ça viendra doucement... ''
    Alors il me monte un éclat de rire que j'ai du mal à réprimer. J'avais alors un sourire jusqu'aux oreilles et pleurais de rire... en silence.
    Ce Bouddha a donc redécouvert cette technique hors d'âge. Il a ressenti dans son propre corps le mouvement des particules élémentaires et a compris à partir de là la structure atomique de la matière, de notre propre corps et de l’univers tout entier.
    Connais- toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux.
    Avant lui les sages disaient: -'' débarrassez-vous de l'objet de vos désirs ou de vos aversions, cela vous apporte de la souffrance... ''
    Bouddha a trouvé autre chose: nous ne sommes pas dépendants de l'objet de notre désir mais de la sensation procurée, attachement ou aversion.
    Un alcoolique n'est pas dépendant de l'alcool mais de la sensation procurée par l'alcool. Quant aux passions...!!! on n'est pas attaché à une personne mais à la sensation procurée... ça relativise ce qu'on appelle amour, non? cela expliquerait les relations multiples où on n'est jamais satisfaits.
    En fait on n'aime que soi. On n'aime l'autre que tant qu'il répond à nos attentes ou sert nos intérêts. S'il s'avisait de changer de direction où d'aimer quelqu'un d'autre on le haïrait.
    A l'issue de ces dix jours je ressens un profond contact avec moi-même, une étroite connexion avec mes aspirations et une fermeté quant à leurs réalisations. Un soulagement général, beaucoup de vieilles racines ayant été arrachées, une libération palpable, évidente, je me sens merveilleusement centrée et n'ai plus qu'un objectif: en faire un second le plus vite possible.
    Sacré Bouddha, va !
    C’est à ce moment précis, le 26 janvier 2008, à 2 jours de mon anniversaire, qu’il se produit un événement étonnant que beaucoup auraient appelé une catastrophe.
    Je suis avec Joëlle, allongée sur la pelouse d'un Parc à Pondichéry. On digère difficilement un somptueux thali servi sur une feuille de bananier.
    Mon téléphone vibre, c'est Edouard qui me demande de l'appeler d'urgence, ça a l'air important. Je saute sur mes pieds et cherche un téléphone.
    Il commence par me demander si je vais bien, me dit que lui va bien... venons en au fait...
    -"… le chalet a brulé, totalement..."
    C'était la nuit précédente, il dormait, et quand on connait le sommeil d'Edouard on peut avoir des peurs rétrospectives!
    Le bruit l'a réveillé, la fumée emplissait complètement sa chambre à tel point qu’il ne voyait que le filament de l’ampoule et aurait pu mourir asphyxié.
    Il n'a eu que le temps de sauter par la fenêtre, complètement nu au cœur de l’hiver en France! 
    Le toit s'écroulait et il s'est sauvé.
    Il va bien et moi aussi. On ressent exactement la même chose, lui et moi.
    Ma première réaction a été:
    " je n'ai plus de passé"
    et c'est plutôt euphorisant.
    La phrase qui m'a poursuivie toute ma vie me revient en mémoire:
    "l'homme libre est celui dont tous les biens tiennent dans une valise"
    aujourd'hui je suis... cet homme!
    Plus de photos, d'objets, de souvenirs...donne un sentiment de légèreté et de liberté indescriptibles.
    Je pense à Diogène qui n'avait pour tout bien qu'une écuelle, et voyant un enfant boire dans le creux de ses mains la jette disant: " j'avais encore du superflu!" 
    Allongée sur mon lit dans ma chambre d’hôtel, je souris, heureuse. Je regarde mon sac à dos, Tout ce que je possède est là, dans ce sac, et c’est encore trop. J’ai l’impression de posséder le monde entier.
    Aujourd'hui???
    j'attends le nouveau cadeau de la vie! Whaahh! 

     

     

    Mon second Vipassana, le modèle ! Chennganur, Février 2008

    Quatre heures de bus séparent Cochy de Chenganur. Un commerçant me voyant dans l'embarras, mon énorme sac sur le dos m'attire dans sa boutique et me donne un sérieux coup de main. Il appelle le centre Vipassana et m'indique le bus pour y parvenir. Je peux donc intégrer les lieux un jour avant le début de la session.
    L'accueil est très sympa, on me donne à manger, m'indique ma chambre ou plutôt mon espace. Une jeune Québécoise au savoureux accent est déjà sur les lieux. Un ange! Quel bonheur ou plutôt quel espoir de rencontrer des jeunes aussi matures, responsables, sains et lumineux.
    L'endroit est magnifique, palmiers, rizières, bananiers, cocotiers ...
    Le Centre est beaucoup plus rustique qu'à Bodhgaya. Mon arrivée prématurée m'a fait privilégier d'une chambre, les autres sont sur des matelas alignés les uns près des autres ne permettant aucune intimité. Il n'y a que deux douches pour une quinzaine de personnes mais tout se passera dans la fluidité.


    Premier jour.

    J'avais soigneusement élaboré ma stratégie: entrer dès la porte ouverte et, d'office, prendre possession du dernier coussin, tout au fond, dans le coin près de la porte. La place du cancre, quoi ! Ainsi je pourrais m'adosser au mur, allonger mes jambes et voire même m'éclipser de temps en temps quand la position deviendrait intolérable.
    Je n'avais pas prévu un détail:
    j'avais déjà fait une session Vipassana, j'étais donc une ancienne étudiante ce qui me donnait droit à des privilèges en particulier la place d'honneur au premier rang juste devant l'enseignant... le modèle, ou plutôt la tuile!
    Heureusement que la méditation se pratique les yeux fermés, ainsi les novices ne voyaient pas que leur modèle était loin de satisfaire aux exigences de la situation. Je pensais que ce second cours serait moins douloureux physiquement mais les trois premiers jours ont encore été très éprouvants.
    Après une journée de supplice à me tortiller je demande une chaise, on m'accorde un tabouret. Ouf! Je peux donc alterner et au fil des jours les stations assises en tailleur deviennent de plus en plus supportables et même confortables. Le dernier jour j'ai même délaissé mon précieux tabouret.
    Tous les matins à quatre heures trente, on est dans le hall de méditation en pleine jungle.
    Le chant des oiseaux à l'aube dépasse en beauté tout ce que j'ai entendu jusqu'alors. Un murmure musical de gazouillis et pépiements incessants et ininterrompus. Puis, toujours à la même heure, un cri, la réponse, un autre, son écho... et en quelques instants toute la jungle est réveillée. Certains oiseaux nous lancent de véritables éclats de rire, d'autres ont un chant qui ressemble à une fusée de feux d'artifices à s'y méprendre!
    Ce réveil serait un vrai bonheur si ce n'étaient... les hauts parleurs...
    car tous les jours, dans tous les villages, dès avant l'aube, des hauts parleurs au maximum de leur capacité nous envoient dans les oreilles des musiques assourdissantes, aux sons souvent discordants. J'ai donc pu constater que notre Centre était situé à égale distance de trois villages, chacun nous balançant son tintamarre personnel pendant une bonne heure.
    Il en était de même à Bodhgaya. Toutes les nuits avant l'aube j'étais réveillée par ce curieux phénomène. Il se trouve que là-bas, la musique était harmonieuse et agréable aux oreilles ce qui était presque pire car je m'y laissais prendre bien malgré moi. Car aussi, tous les jours se ressemblent sans aucune variante, même air, même chanson! Les riverains ont intérêt à l'apprécier. D'ailleurs comment font-ils? Comment peuvent-ils accepter d'être importunés toutes les nuits? J'en conclus qu'ils ne le sont pas.
    Lorsque je demande à un Indien la raison de ce vacarme à une heure pareille, jusqu'à présent je n'ai eu droit pour toute réponse qu'à un sourire plutôt niais.
    Lorsque ce cérémonial est accompli tout redevient calme et le jour n’est même pas encore levé.
    Il est d'usage en Occident de penser que la méditation est une sorte de relaxation visant à libérer l'esprit de toutes pensées envahissantes. Détrompez-vous. Cette introspection dans les profondeurs du subconscient est un travail de force qui demande l'énergie de tout le corps. D'ailleurs à chaque pause je vais dormir même quelques instants.
    Chaque pensée qui n'est pas dans le présent est une souillure pour l'esprit dont il doit être nettoyé tôt ou tard. On peut imaginer la somme de travail nécessaire au nettoyage. Heureusement lorsque le processus est entamé cela devient un automatisme.
    J'ai suscité bien malgré moi l'admiration de plusieurs Indiens émerveillés par la perfection de ma posture! En fait, si je me tiens le dos bien droit c'est que c'est le seul moyen de ne pas trop souffrir. Mais mon explication ne les a pas satisfaits et ils préféraient continuer à voir en moi un as de la méditation!!! quel gag !
    Je repense avec amusement à ma propre admiration pour les anciens étudiants totalement immobiles, il n'y a pas bien longtemps. Aujourd'hui je suis des leurs.
    Un après midi, nous étions tous assis dans le hall, quand un bruit puissant venant de la jungle distrait mon attention. J'ai pensé à une tornade. On l'entendait venir de très loin, se rapprocher rapidement faisant claquer les feuilles des palmiers, balayer sauvagement notre lieu de méditation avant de continuer sa route dans la jungle. Puis une pluie soudaine s'abat sur le centre comme un tonnerre.
    Pendant la pause de midi, nous avons coutume de faire la lessive et tout le linge était suspendu entre les arbres. Je ne voudrais pas en mettre ma main au feu, mais à ce moment-là, je crois que même le plus assidu des méditants s'est sûrement laissé distraire et pensait à son linge qui se trempait !
    Le moment des donations est pour le moins pittoresque. Je pensais qu'une donation se faisait toujours dans l'anonymat. Ici il n'en est rien. Dès votre acte de bienfaisance effectué on vous donne un reçu mentionnant les quelques dizaines d'euros versés suivis de ''only'' comme il est d'usage en Inde après chaque montant. Même un million de dollars sera suivi de ''only''. Puis votre nom est coché et en sortant du bureau j'ai entendu : '' qui n'a pas encore fait sa donation ..?'' amusant, non ?
    L'issue de cette nouvelle session Vipassana?
    Merveilleux ! Je sens que j'habite dans mon corps, dans un espace de paix absolue, au plus profond de mon centre, loin des agitations de la surface.
    Mon objectif: un troisième dès que possible.

     

    Mon troisième Vipassana  mars 2008

    Nous sommes donc trois pour nous rendre à Dehradun, Darshan un peu contraint mais dans l'acceptation, son cousin Shardul très motivé et moi.
    Après en avoir déjà vécu deux je pensais que le troisième serait aisé. Il n'en a rien été, les trois premiers jours ont encore été très douloureux physiquement. Si pour le premier je ne savais plus comment placer mes jambes et tenir mon dos, le second me faisait souffrir des hanches. Pour celui-ci, dos, jambes et hanches allaient très bien mais j'avais l'impression d'avoir des aiguilles dans les fesses qui rendaient la position assise douloureuse même sur un tabouret.
    Cette troisième session apporte une très nette amélioration de la concentration et quelquefois même je ne fais plus de différence entre les périodes de méditation dans le hall et l'extérieur tant je reste concentrée.
    Jusqu'à présent je mettais toute mon énergie à rester concentrée et j'y parvenais un certain temps. Un jour je suis même restée trois heures dans le hall sans bouger au moment de la pause tant j'étais bien dans mon corps. J'aurais pu rester plus longtemps mais le gong sonnait et m'invitait à me présenter pour le repas. L'appel du gong fut le plus fort.
    Mais cette façon de procéder m'isole des autres et ne me semble pas totalement juste une fois à l'extérieur, je me crispe trop, je ne suis pas encore un yogi.
    Alors je lâche prise et instantanément trouve l'espace ''sans pensée''. Simple, facile et sans effort.
    Lorsqu'on le trouve et parvient à y rester, la vie semble couler simple et facile, on découvre ses cinq sens avec plus d'acuité, on vit dans un espace de joie, détaché de tout.
    Lors de cette session, j’entre en contact avec des émotions et malaises que je n'identifie pas, des peurs qui ne font pas partie de moi. Je me vois au fond d'un gouffre de glace sans possibilité d'en sortir par l'étroite ouverture très haut au-dessus de ma tête, mais très calme.
    Je me rends compte aussi, ayant eu à affronter un beau spécimen dans la salle de bain que ma peur des araignées a quasiment disparu. Il semble aussi que ma gloutonnerie se soit apaisée et mon eczéma au pied n'est plus qu'un souvenir.
    Je sais donc que j'ai  écrémé la partie consciente et que j'attaque à présent le subconscient, les vieux stocks enfouis dans les cellules.
    Un jour en méditation j'ai vu des corps de jeunes hommes très beaux, alignés, morts. Un autre jour, ma grand-mère maternelle m'apparaît dans l'éclat de ses quarante ans. Une autre fois c'est Bouddha lui-même qui est vient sous les traits d'un homme mais son visage est représenté par l'image d'une statue en or, sans doute pour être reconnaissable. Puis la statue tout entière se place au dessus de ma tête et descend sur moi épousant parfaitement mon corps assis sur le coussin.
    Et aussi cette phrase qui se présente avec force: '' je ne fais pas partie de ce monde et pourtant je suis là.''

     

    Mon quatrième Vipassana, Louesme, décembre 2008
     

    Après ce démarrage sur les chapeaux de roues, je suis toute heureuse de refaire cette session, en France cette fois.
    Cette fois la posture ne me pose plus de problème mais après les trois premiers jours toujours un peu plus difficiles, je ne parviens toujours pas à me concentrer. Les heures, les jours se succèdent sans que je puisse focaliser ma pensée même sur ma respiration. J'ai l'impression de taper dans du béton sans avancer d'un pouce. C’est terriblement long et éprouvant.
    Je pense que ce n'est qu'un passage mais c'est vraiment trop dur, trop d'efforts pour un résultat nul. Mon corps est une forteresse. Je tape dans du béton armé. Trop dur d'être un Bouddha !
    Je me souviens qu'à la fin du troisième cours, j'ai eu la conviction d'avoir nettoyé le conscient et d'attaquer le subconscient. Je garde cette impression. Il faut sans doute que ce travail se fasse mais c'est épuisant et décourageant.
    Je rentre chez moi avec l'impression d'avoir perdu ces dix jours.
    Aussitôt, je m'inscris pour deux nouveaux cours consécutifs en avril. Non mais !

     

    Mon cinquième Vipassana, Louesme, avril 2009
     

    Et je reprends les choses exactement où je les ai laissées. Trois jours à cogner dans le dur. Je suis étendue sur mon lit, un peu déprimée, et je lâche prise. S'il n'y a rien à faire, je vivrais ces dix jours gentiment, sans insister et m'arrêterais peut-être bien là. Après tout, c'est trop difficile, presque inaccessible même en s'acharnant.
    Et le lendemain matin, c'est l'explosion de la bouteille de champagne. Les verrous s'ouvrent et je retrouve mon centre. Tout s'éclaire, je sors du tunnel.
    Les jours suivants sont un bonheur, je sens bien mon corps, reste bien centrée.
    Je sais que le suivant sera une réussite.

     

    Mon sixième Vipassana Saint Imier avril 2009

     

    Ravie d'être là, en Suisse. La neige encore présente cède le terrain aux perce neige et aux narcisses.
    Le début de ce sixième cours me plonge dans une certaine perplexité. Je suis bien centrée, je comprends bien le processus, mais me pose des questions.
    J'ai entendu le même enseignement cinq fois, à chaque fois d'une oreille différente selon les progrès effectués, mais cette fois il me manque un élément.
    On insiste toujours beaucoup sur le fait de ne pas développer d'aversion envers les sensations désagréables ni d'attachement envers les sensations agréables.
    Si je vois très bien de quoi on veut parler en ce qui concerne les sensations désagréables, en revanche, les autres sensations ne peuvent en aucun cas donner lieu à un quelconque attachement. Je sens bien que j'ai un bras, une jambe, un dos, etc... mais je ne ressens rien d'agréable au point de le désirer avec avidité. Il me manque donc un élément.
    Alors je me souviens de ces petits fourmillements et picotements au premier cours, qui s'étaient transformés en mouvances autour du nez et je me dis que je dois pouvoir ressentir ces sensations-là partout sur le corps.
    Je me concentre alors de toutes mes forces, sans respirer, sur mon torse où je ne sens habituellement rien. À force de concentration,(et de transpiration !)  soudain je sens les fourmillements en questions, ce qui me remplit de joie, en veillant à ne pas créer d'attachement !
    Tout excitée, je me concentre sur d'autres parties de mon corps jusqu'à ressentir ces picotements avec succès. Je sais que je fais à ce moment des pas de géants, je touche quelque chose d'essentiel.
    La méditation Vipassana se pratique en deux temps: on examine chaque partie du corps séparément puis la fois suivante on le scanne des pieds à la tête plus rapidement en ressentant ce qu'on appelle le flux libre.
    Après avoir en quelque sorte ''ouvert'' plusieurs parties de mon corps, je porte mon attention au sommet de ma tête, et là... oh !!! une pluie d'énergie se déverse sur tout mon corps, comme si j'étais nue sous une pluie d'orage. Et c'est délicieux !
    Je les tiens, mes agréables sensations.
    Ce soir-là, tout heureuse de ma découverte, je me couche et passe en revue tout mon corps. Alors que j'allais m'endormir, je sens ma tête se mettre à vibrer avec intensité. Je sens vibrer mes dents, mes mâchoires, mes orbites, mon crâne, mes os. Et tout est vide, complètement vide. L'air aurait pu passer au travers. Et je me  dis:'' tout est possible''. Et de la lumière se dégage. Ma voisine de chambre a peut être allumé et j’ouvre les yeux. Mais il fait noir. Je referme les yeux et de nouveau de la lumière émane de mon corps.
    J’essaye de propager ces vibrations au corps tout entier mais n'y parviens pas. J'aurais pu continuer l'expérience aussi longtemps que je le désirais mais me suis endormie.
    Le lendemain, je vais voir l'enseignant pour lui expliquer ce que j'ais vécu.
    '' BANGHA !'' me dit-il
    '' tu as vécu par ta propre expérience la véritable nature de ton corps, tu as compris par l'expérience directe la structure de la matière et de l'univers tout entier.''
    Whahh!!
    Les jours suivants, je me suis rendue compte qu'on ne ressent pas tout cela à chaque méditation. Ces sensations ne sont que du nettoyage et il y a encore beaucoup à faire, continuer encore et encore tant qu'il y a des sensations, des phénomènes d'apparition, disparition.
    J'ai l'impression d'être en possession d'un jeu électronique que je n'ai pas encore dominé. Et c'est très excitant.

     

    Satipathana 7 Barcelone 3 au 12 juin 2009.
     

    Bien centrée, sans surprise.  Le 7 juin, au petit déjeuner quelque chose en moi a dit non à la nourriture.
    Pendant un mois complet je n'ai rien mangé du tout. Thé au lait le matin et jus de fruits dans la journée. Puis, la saison des fruits étant là, j'ai mangé cerises, abricots, pêches puis figues mais rien d'autre. Voilà 3 mois et demi que je suis ce régime et m'en porte très bien.

     

     

    Sit and serve 8 Saint Imier 12 au 19 août 2009
     
    C’est une période de maintenance où sont conviés tous les volontaires anciens étudiants. J'aurais préféré méditer toute la journée mais ce travail de groupe associé à la méditation est vraiment très enrichissant et plaisant.

     


    Vipassana 9  et 10  Barcelone 11 au 22 novembre, 25 au 6 décembre 2009


    Quatre jours encore très difficiles, j'ai beaucoup de mal à me concentrer.
    Puis mon corps s'ouvre et je sens des vibrations subtiles partout sauf le torse et le ventre qui sont encore totalement hermétiques. Mon attention reste à plusieurs centimètres de mon corps sans pouvoir y pénétrer.
    J'ai remarqué que, lorsque je suis tendue par l'effort de concentration pour percer ces zones aveugles, il me passe devant les yeux des visages de monstres grimaçants. Ils ont de grandes dents jaunes et pointues, des yeux très expressifs, ils sont sournois, voire méchants. 
    Lorsque ces zones sont ouvertes, les visages deviennent sereins et souriants, les yeux limpides, très beaux et purs. 
    J'ai remarqué aussi que je fais des retours dans le passé, d'abord proche puis de plus en plus lointain. Je suis impatiente de constater si je vais revenir dans la petite enfance ou même avant la naissance.




    Vipassana 11     en  Espagne.


    Je pensais que ça coulerait tout seul, il n'en a rien été.
    La partie frontale est enfin ouverte après avoir vu défiler de nombreuses têtes monstrueuses aux yeux malicieux, des petits démons. Je travaille avec acharnement même pendant les pauses. Après une journée passée à ouvrir toutes les parties de mon corps, je ressens des vibrations subtiles de la tête aux pieds puis de nouveau tout se referme et il me faut une journée entière d'efforts et de concentration pour de nouveau ouvrir. C'est un travail de titan pour arriver à un fourmillement suivi d'une nouvelle fermeture. L’ego ne lâche pas facilement.
    Il faudra de nombreux passages pour que les zones restent ouvertes. Quand?
    Dans ce cours, j'entrevois le trésor que représente Anapana. Il y a tout un monde derrière la respiration. Bien concentrée et attentive, sans pensées parasites, la respiration devient de plus en plus lente et calme puis si ténue qu'on dirait qu'elle disparaît. Et elle disparaît !
    Et là, une porte s'ouvre et je me sens aspirée vers un ailleurs où je baigne dans la sérénité et l'amour. Je ne sens plus mon corps, il n'y a plus de temps, je me sens comme dans un œuf vibrant et je sens des sensations subtiles dans tout le corps.
    La dernière nuit, je suis étendue sur mon lit bien concentrée. Toute mon attention est dans ma tête lorsque celle-ci est maintenue fermement par des mains invisibles qui se mettent à la malaxer et la pétrir fortement. Toutes les parties de la tête, extérieures et intérieures se font malaxer comme de la pâte à modeler. Les os de mon crâne, les maxillaires, les orbites, le nez, les tempes, tout est massé énergiquement. Puis les mains invisibles se placent à la base de mon crâne au dessus de la nuque et massent sans ménagement encore et encore. Ce n'est ni agréable ni désagréable. Juste un peu trop fort.
    La vison de Ingrid m'apparaît... pourquoi cette fille qui n'a fait que croiser ma route avec laquelle je n'ai même pas échangé! c'était en 1972!
    Je suis toujours massée puissamment quand tout à coup, je ressens un arrachement à la base de ma nuque et une "sale bête" est littéralement arrachée de cette zone. Elle y était agrippée par de puissantes griffes un peu comme une tique.
    Le lendemain je reprenais ma voiture et ressentais une extraordinaire légèreté dans ma nuque et les épaules. Après ce dégagement ma tête a une mobilité merveilleuse. 
    Je sais maintenant que notre corps est absolument farci de petites entités plus ou moins malfaisantes mais qui n'ont sur nous que le pouvoir qu'on veut bien leur donner. Elles se nourrissent à nos dépens, il suffit de les démasquer et elles disparaissent. La "sale bête" dans ma nuque était d'une espèce plus redoutable, je suis à peu près sûre d'avoir vécu un genre d’exorcisme.



    Vipassana 12  janvier 2010 en Inde à Chennai.


    Avant de nous installer au Centre quelques jours avant le début du cours, Nadia a  la bonne idée de demander à voir l'état des chambres. Le manager nous fait visiter la première chambre à l'entrée, petite et proprette avec salle d'eau individuelle, et on s'installe.
    La réalité est tout autre. Celle de l'entrée est l'appartement témoin !!! 
    Mais étant la pour méditer et non pour une vie de palace, on reste.
    Mais le meilleur reste à venir: Le centre Vipassana de Chennai est situé juste à côté de l'aéroport et les avions rasent les toits une bonne quinzaine de fois par jour (et nuit). Lorsqu'on parle, il faut s'interrompre en attendant que le vacarme cesse. Dans le hall de méditation l'enseignant met sur pause ou pire augmente le son, ce qui provoque une saturation dans les hauts parleurs rendant le discours incompréhensible et très désagréable.
    Dans tous les centres Vipassana que je connais, la nourriture est abondante et diversifiée, toujours bio et excellente. Ici, aucune fioriture, on ne risquera pas de prendre du poids! Mais nous sommes là pour méditer, pas pour un circuit gastronomique !
    Le cours commence le 20, on se renseigne pour trouver un autre centre et prendre la poudre d'escampette mais aucune date ne peut nous convenir.
    Bien sûr, quand on médite, les conditions extérieures n'ont aucune importance... on fera donc contre mauvaise fortune bon cœur, ce sera le défi à relever.
    Ce cours est merveilleux.
    J’ai enfin réussi à percer tout mon corps. Mon esprit pénètre à l’intérieur, on dirait que je me dissous. J’ai eu l’impression d’être une statue de sable qu’on arrose d’un grand seau d’eau. Je pénètre dans mes os, dans mon thorax, mon ventre, ma colonne vertébrale…
    Il n’y a plus rien, plus de matière, que des vibrations subtiles…

    … et maintenant ???



    Satipathana 13   3 au 12 juin 2010 Espagne

     

    Décidément, malgré toutes ces heures de travail je serai toujours surprise de la difficulté des premiers jours.
    Impossible d’entrer réellement en samadhi. Mais je sais pourquoi : j’ai connu dans un cours précédent ce merveilleux état d’absorption, cet état où on ne sent plus son corps, où il n’y a plus de temps, où tout n’est que joie et amour, et je cherche à le retrouver. Or, cela arrive précisément quand on ne le cherche pas. Ca m’apprendra à avoir des attentes !
    Trois jours d’anapana où je ne parviens pas à rester vraiment concentrée mais le jour de Vipassana, même si c’est encore très douloureux physiquement, cette fois l’esprit est entré profondément dans la masse du corps.
    Cependant, j’ai l’impression d’avoir perdu le bénéfice du cours précédent où tout était fluidité.
    Après l’expérience de Chennai, je pensais reprendre les choses où je les avais laissées et n’avoir que quelques petites duretés à dissoudre.
    Quelle erreur ! il ne faut vraiment rien attendre…
    Une nouvelle « cuirasse » s’est érigée à l’intérieur d’une dureté inouïe. Des passages répétés ne parviennent même pas à l’effriter.
    Qu’ai-je donc subi dans le passé qui ait nécessité une telle protection ?
    Je suis en plein travail lorsque l’image de Ramtha m’apparaît. Je le vois, l’épée lui traversant le corps et ce n’est pas à lui, mais à moi , qu’il dit puissamment : « RELEVE TOI ,  SOIS ,  MAINTENANT ! » J’en ai une émotion !
    Travailler dans le but d’une libération est vain. La libération est MAINTENANT.
    Ce que je sens depuis pas mal de temps et qui a commencé par un impérieux désir ( ou nécessité) de désapprendre devient très clair.
    RIEN ! pas de livre, pas de stages, même pas de pensées (surtout pas de pensées), juste ETRE.
    Le seul support possible est encore la méditation jusqu’à ce qu’elle ne soit plus nécessaire non plus.
    Après trois jours de pilonnage, le mur s’amollit puis s’effondre. J’opère un travail de grignotage des duretés au niveau des articulations qui se dissolvent elles aussi.
    A peine la cuirasse effondrée qu’une autre s’érige tout aussi dure.  Nouveau travail de pilonnage. A chaque fois qu’un mur s’effondre, le nouveau est à un niveau plus profond que le précédent. J’ai l’impression que mon corps rétrécit à chaque passage. Dire qu’au début mon esprit n’atteignait même pas le corps physique ! A présent je pénètre profondément dans la masse corporelle et l’armure recule petit à petit.
    A l’issue de ce cours : c’est trop court, j’aurais eu besoin de plusieurs jours de plus pour être vraiment dans un état de stabilité et de calme mental absolus.

     

    L’aventure Thaïlandaise. 5 janvier au 2 mars 2011


    Jour 1.

    Jusqu’à présent je ne pratiquais que dans les centres Vipassana Internationaux car je fuis toutes les institutions tant religieuses que philosophiques ou autres. Mais je voulais connaître une autre approche de la méditation surtout par curiosité.
    Adieu Bangkok, je prends le train pour Chiang Maï où je rejoins le monastère Bouddhiste de Wat Ram Poeng. Horreur ! le train est climatisé et il y fait un froid sibérien qui me gâche le voyage. En revanche, les compartiments sleeper sont très confortables et j’apprécie le moelleux du matelas et les draps blancs  surtout après les lits durs du monastère.  On a dû me donner un billet grand luxe dont je me serais bien passée. Ma couverture me protège à peine de l’air glacé qui pulse du plafond.
    Avant d'être intégrée, je dois passer devant l’enseignant qui m’évalue d’un regard et décide que je peux rester après la rituelle cérémonie d’introduction.


    Jour 2.

    C’est la première fois que je découvre un monastère bouddhiste. Il faut accomplir des tas de rituels, se prosterner 3 fois  pour tout et pour rien, pratiquer une technique de méditation différente en décomposant tous les mouvements, etc…
    Je laisse tout cela de côté et me consacre à ma méditation habituelle.
    On ne mange plus après 12 heures mais le centre du monastère est occupé par une boutique où on se ravitaille largement en quantité de biscuits, sodas, jus de fruits, chocolat, chips et des tas de friandises emballées sous plastique. Ils ont du café en dosette, ce sera mon seul extra.
    Chaque repas se déroule de la même façon: On fait la queue, on se sert puis on s’installe assis par terre autour d’une table ronde. Lorsque tout le monde est servi, débutent les chants et diverses litanies. Tout cela dure 20 bonnes minutes. Pendant ce temps, le repas est devenu complètement froid. Je me suis fait avoir une fois et les fois suivantes j’ai pris mon repas à l'extérieur sous un arbre magnifique, au soleil. Lorsque je passe devant le réfectoire avec mon plateau vide, les autres n’ont pas encore commencé.
    Tout au long de la journée, les moines passent leur temps à balayer les allées qui ne  tardent pas à être à nouveau couvertes de ces énormes feuilles de catalpa qui tombent des arbres. Il tombe aussi des fruits gros comme des noix qui s’abattent avec fracas sur les toits de tôle dans une pétarade de feux d’artifice.
    Tous les jours à 14heures on se présente devant l’enseignant pour faire le point. Il me demande combien d’heures j’ai médité depuis la veille, comment est ma respiration, quels sont mes sentiments etc…


    Jour 3.

    A être ici, je décide pour quelques temps de me conformer relativement à ce nouveau mode de méditation en alternant la position assise et la méditation marchée. Cette marche très lente est supposée aider à bien ressentir le corps, à bien rester à l'intérieur et à calmer le mental. Les mouvements se font en conscience.


    Jour 4.

    Mais je n’ai pas de temps à perdre et renonce à cette méditation marchée qui, à mon avis et pour moi, ne présente pas trop d'intérêt, et qui, toujours à mon avis, solliciterait le mental plutôt que le calmer.


    Jour 5.

    Les visiteurs de l’enseignant semblent suivre un protocole bien particulier selon un improbable ordre hiérarchique ne tenant aucun compte de l’ordre d'arrivée dans le vestibule, chacun sachant tacitement quel sera son ordre de passage. On peut voir des personnes en tenue de ville passer devant tout le monde et s’adresser directement et familièrement à l’enseignant sans faillir toutefois à la règle des moult courbettes, prosternations, révérences, petits pas à demi courbé et à reculons…
    De toute évidence, les méditants étrangers comme moi, sont admis lorsque tout ce petit monde en aura fini soit, de présenter des offrandes, soit adresser une demande, soit apporter des cadeaux et même accomplir des petits rituels avec des fioles d’eau qui finira au pied d’une plante.
    Que de formes! Où donc est l’essence?

     

    Jour 6.

    Allez! J’essaie de jouer le jeu de la marche lente pour aujourd’hui, il y a peut être quelque chose à découvrir.
    Ce que je découvre, c’est que, ce n’est pas le fait d'être attentive à chaque mouvement qui libère l’esprit des pensées mais plutôt, lorsqu’on est libre de toute pensée il est alors facile d'être attentif à chaque action de la vie quotidienne.
    Grâce à l’observation, je peux voir que ce n’est pas l’attention à la respiration qui me permet de garder l’esprit libre de pensées, mais que lorsque l’esprit est parfaitement au repos, il est alors facile d’observer sa respiration qui devient alors un merveilleux outil ouvrant l'accès aux domaines supérieurs, à l’intuition, à la Connaissance.
    Une fois de plus, si on se conforme ou si on s’adapte aveuglément à l'expérience d’autrui si élevé soit-il, on peut passer à côté de sa propre expérience et du but recherché. Un esprit libre de pensées permet l’ouverture d’accès à la joie.
    Arrêtons de suivre un Maître et trouvons le Maître en nous. Lui seul sait.

     

    Jour 7.

    Tous les jours, je dis un gros mensonge à l’enseignant lorsqu’il me demande combien de temps j’ai médité. En fait je médite beaucoup plus, quelquefois 15 ou 16 heures par jour, mais je ne veux pas susciter d’interrogations.

     

    Jour 8.

    Il y a toujours une journée où le mental se rebiffe et ne veut plus rien savoir. Je lui en demande trop et il se met alors à ressembler à une mer déchaînée, indomptable.
    Alors je me promène tranquillement dans les allées du monastère essayant de rester centrée et l’esprit libre de pensées.
    Puis je me rassieds. La tempête est alors apaisée. Le mental est devenu un lac, calme, immobile. Parfois une ride en effleure la surface et va mourir sur la rive. C’est une pensée qu’on regarde passer, simplement.
    Parfois, à force d’investigations, il vient à la surface une petite chose pas jolie du tout, complètement oubliée qui resurgit du passé, mise à la lumière pour retourner dans l’oubli, effacée. Et vraiment oubliée car au moment où j'écris je n’en ai plus aucun souvenir.
    Depuis quelques temps, je suis intriguée par ce qu'on voit la nuit ou dans la pénombre. Et aussi ce que je vois quand je ferme les paupières. Tout vibre. De plus en plus, je vois partout, autour de moi, cette énergie dans laquelle on baigne tous, dont tout est issu, chaque chose, chacun d’entre nous.
    On n’en a pas conscience mais elle est là, vivante.

     

    Jour 9.

    Whaouhhh!!! Quel réveil…  JE VOIS !!!
    Tout ce que je pressentais depuis longtemps, je le vois.
    JE SAIS que mon corps n’est visible et concret que par mes constructions mentales.
    Rien d’autre n’existe que nos projections, tout ce qui est, tout ce que je vois avec mes yeux de chair … rien n’est réel!
    Nous sommes tous UN, seules nos pensées nous divisent et nous séparent.
    Il me suffit de fermer les yeux et elle est là, et je vois mon corps, vibrant de cette même énergie et se confondre avec elle.
    Tous, sur cette terre, nous aspirons à retrouver cette Unité, cette Énergie Première mais nous sommes empêtrés dans nos rôles, dans nos individualités.
    Uns seule barrière, un seul obstacle, nous sépare de cette Source de Toute Vie:
    L'idée que nous avons de nous-mêmes, nos opinions, nos croyances, nos religions, traditions, cultures, liens familiaux… en un mot: notre ego.
    Je suis encore sous l’effet de ma découverte! Tant chercher alors que c’est si simple. Quel gag! Il suffit d'ouvrir les yeux et regarder.
    L’Unité est là, ici et maintenant, il suffit d’abandonner notre ego. Et il n’y aura aucune dérogation: l’ego devra céder, aucun ego ne pourra rejoindre la Source de Tout ce qui Est. L’ombre et la Lumière ne peuvent se rencontrer.

     

    Jour 10.

    “ je suis cela même que je cherche, nous sommes cela même que nous cherchons…”
    Je me suis réveillée avec cette évidence comme pour confirmer ce qui m’a été révélé précédemment.

     

    Jour 11.

    Je continue mon travail d’introspection- nettoyage. A chaque évacuation, je ressens un intense soulagement qui se manifeste par un profond bâillement ou soupir.
    Mes jambes font de la résistance, j’ai encore de sales petites bestioles dans les articulations.
    Mes pauvres chevilles! Comment pouviez-vous encore respirer dans un tel étau?
    Raideurs, duretés, nœuds durs… comme vous avez dû souffrir pour développer de telles défenses!
    Je comprends qu’on puisse appeler cette énergie “Père”. Elle répond à tous nos besoins pourvu qu’on lui en fasse la demande grâce à ce merveilleux outil qu’est la pensée.
    L'énergie est une onde. La pensée la fige pour créer. Nous le faisons d’ailleurs très bien tous les jours pour créer tous nos malheurs, nos souffrances, nos malaises et maladies. L’importance de bien diriger la pensée est capitale, mais qu’en faisons-nous?
    Une pensée pure est une pensée dans l’instant. Ni passé, ni futur, ni supposition, ni comparaison, ni jugement, ni évaluation… Seulement la Présence de l’Instant.
    C’est simple, c’est beau, c’est intelligent, c’est la Source de la Vie.

     

    Jour 12.

    Aujourd’hui, c’est la fête. C’est même la super fête. Des chapiteaux, des estrades, des tables couvertes de nappes blanches, des bougies, des guirlandes de fleurs et une flopée de moines. Bouddha va être content!
    Je vais soigneusement rester dans ma chambre à travailler à la libération de mes articulations, sinon je risque d'être happée et devoir participer à une cérémonie.
    Les haut parleurs diffusent des discours interminables presque couverts par une musique en boucle, une vraie rengaine, la même toute la journée. Mes bouchons d’oreille ne font qu'atténuer le son.
    Malgré ce raffut, je travaille sans relâche. Tout mon corps se libère et une extraordinaire légèreté et liberté m’envahissent, corps et esprit. Je peux sentir dans mon corps à quel point nous sommes prisonniers de nos structures mentales au sens propre. Je ressens effectivement des liens qui se dénouent comme des cordes qui lâchent.
    Vers 12h30, une petite faim me fait sortir de mon antre. Je trouverais bien une bricole à grignoter. Mais quelle surprise! Une quantité de plats succulents ont jailli tels des champignons après une pluie d’automne.
    Sucré, salé, solide, liquide, des tas de couleurs même étonnantes comme cette boisson presque noire qui me tente. Je suis même allée jusqu'à y goûter et malgré mon goût pour les bizarreries culinaires j’ai dû abandonner le gobelet. Ce goût fumé était trop hostile à mon palais. Je n’ai pris que des plats que je ne connaissais pas et ma curiosité pour les mets exotiques a été pleinement satisfaite.
    Oups! J’ai bien failli me faire harponner pour assister à une cérémonie. Je me suis docilement dirigée vers la salle et me suis esquivée. Vite, ma chambre, j’ai du travail avec mes articulations qui commencent à se dégager. Mon cou, ce passage entre cœur et tête est récalcitrant.

     

    Jour 13.

    Tout le monde cherche à l'extérieur ce qui est au dedans. Tout le monde le dit mais ce n’est pas compris. Il faut effectivement regarder concrètement ce qu’il se passe à l'intérieur.

    Pitoyables  tentatives, vaines recherches… La vérité est cachée au plus profond de notre chair, dans notre structure même, dans l'intimité de notre constitution, exactement là où on ne va pas la chercher…

     

    Jour 14.

    Incroyable! Ma gorge, ce centre de l’amour exprimé, est quasiment nettoyée et j’ai envie de dire à tout le monde que je les aime, en particulier à Olivier qui ne doit pas en être sûr.
    Les choses deviennent de plus en plus claires, les images se succèdent.


    Jour 15.

    Je peux voir réellement (pas seulement avec les yeux de chair) chacun d’entre nous.
    Nous sommes tous des divinités. Au fil de l’aventure humaine, nous nous sommes enchaînés à d'énormes containers que nous traînons derrière nous.
    Ces énormes containers sont remplis de tout ce à quoi nous sommes attachés:
    Idée de nous-mêmes, croyances, opinions, etc…
    Le plus tragique, c’est que nous avons la clé qui nous permettrait de nous libérer de nos chaînes et abandonner nos containers.
    Mais il est navrant de voir que nous préférons avoir raison plutôt qu'être libre, sans penser à utiliser notre intelligence.
    Alors… traînons nos containers!
    On est attaché à "je, mon", sans savoir vraiment ce qu'est ce "je". On ne supporte aucune critique ni aucun mal fait à ce "je". Et l'attachement s'étend jusqu'à inclure tout ce qui appartient à "je", tout ce qui est "mon".
    De même, on produit de l'attachement envers ses propres vues et croyances, et on ne peut en supporter aucune critique, ni même accepter que d'autres puissent avoir des vues différentes. On ne comprend pas que chacun porte des lunettes avec des verres de couleur, une couleur différente pour chacun. Il faut enlever ces lunettes pour être en mesure de voir la réalité telle qu'elle est, sans coloration, mais au lieu de cela chacun demeure attaché à la couleur de ses lunettes, à ses propres conceptions et croyances.
    Un autre attachement encore est celui envers ses propres rites, ses rituels et pratiques religieuses. On ne peut comprendre que ce ne sont que des manifestations extérieures, qu'ils ne contiennent pas l'essence de la vérité. Si l'on montre à quelqu'un le moyen de faire directement l'expérience de la vérité au-dedans de lui-même, mais que cette personne continue à être attachée aux formes extérieures et vides, cet attachement produit en elle un tiraillement qui résulte en souffrance puisqu’il voit que cette « vérité » n’est pas la même pour tous.

     

    Jour 16.

    Hier soir, toute la partie supérieure de mon corps se fissure, se craquèle, et une pluie ininterrompue  de gouttelettes d'énergie s'échappe en dégoulinant en un flot incessant. Incroyable sensation de liberté. J’ai la sensation d’avoir été emprisonnée dans un filet très serré, et d’un coup, les mailles du filet craquent les unes après les autres libérant la chair. Une détente merveilleuse envahit mon corps.
    Toute la nuit, je me suis sentie parcourue de longs mouvements comme des étreintes frissonnantes venant de l'intérieur pour aller mourir en surface avec un délicieux sentiment de libération.

     

    Jour 17.

    C’est mon dernier jour à Wat Ram Poeng.
    Je ne suis pas venue pour rien. Merci à cet endroit, témoin de ma première ouverture au monde de la Réalité.
    Au moment de quitter le monastère pour prendre mon train, il me vient l'idée de faire quelques provisions pour la route mais je me ravise. Je me sens tellement en Unité que je suis sûre qu’il se présentera ce dont j’aurais besoin au bon moment. Ma voisine de compartiment est une charmante Thaïlandaise qui ne demande qu’à discuter. Et moi, après 17 jours de méditation, je ne demande qu’à rester silencieuse. J’en dis le minimum pour être au moins polie mais le plus souvent je ferme les yeux comme si je dormais. Mais dès que j’ouvre un œil, ma parole, elle me guette… et bla bla bla et bla bla bla… mais elle est vraiment gentille et je fais un effort. Vers 18 heures une petite faim se manifeste et c'est précisément à ce moment que ma charmante voisine sort de son sac des tas de provisions, des oranges, des biscuits, du thé qu’elle insiste pour partager avec moi.
    Je fais des rêves très particuliers.
    - un homme se faire couper la tête de son plein gré et en souriant. Il y en a eu d’autres avant lui, les billots sont plein de sang.
    - une enfant au visage tuméfié mais serein. Sa gencive supérieure éclatée et 3 dents sanguinolentes posées sur sa langue.
    - je suis seule sur un immense parking aérien, avec très peu de  communication avec l'extérieur. Seul un petit escalier sombre et peu visible y donne accès. Cet endroit est si vaste qu’il n’y a pratiquement aucune chance de me repérer même par hélicoptère. Je sais qu’un jour viendra où on m’y rejoindra.

     

    Jour 19.

    Forest monastery, Suan Mokkh.
    Ce lieu ne ressemble pas à un monastère mais plutôt à un parc ou une jungle. Les moines y vivent dans la forêt, dispersés dans de petites maisons en bois sur pilotis. On ne les voit que lors des promenades dans la forêt et ils baissent les yeux en croisant les femmes.
    J’arrive 3 jours avant la retraite. Je suis logée dans un immense dortoir dont les chambres sont séparées par une cloison et avec un confort inexistant. Il tombe des paquets d’eau. Je me sens merveilleusement bien.
    Voila 3 jours que je m’installe devant l’écran pour essayer de communiquer ce que je reçois à ma famille et amis restés en France. 3 jours, et je ne peux écrire le moindre mot. 
    Si je parle du lieu où j'ai vécu ces dernières semaines, ça ne présente aucun intérêt. 
    Comment parler de ce que je vis en étant comprise? Impossible. 
    Donc tout va bien, je suis dans le sud de la Thaïlande, sous un climat tropical. Il tombe des trombes d'eau qui durent quelques instants, le linge lavé reste aussi mouillé qu'après l'avoir étendu. On n'a plus rien de sec à se mettre. 
    Je marche pieds nus sous cette pluie dans la terre argileuse, je dégouline d'eau et de bonheur. Tout ce que je vois est Vivant, Vibrant, mon corps est Libre ... comment être plus heureux que je ne suis en cet instant? 

     

     

    Jour 20. 30 janvier, mon anniversaire.

    Pensée du réveil:
    L’ego ne peut survivre sans jugement. L’ego ne peut survivre sans la pensée,                                                                  La pensée appartient toujours au passé.                                                              
    Sans la pensée, on voit l'Unité.
    La période de mon anniversaire est toujours riche de changements très spectaculaires et positifs dont l’incendie de mon chalet, la découverte de Vipassana et qui ont souvent changé le cours de ma vie.
    Je passe 3 jours dans ce dortoir au beau milieu de la jungle dont les bâtiments me font penser au bagne de Cayenne.
    Sur les lieux de la retraite, le confort n’est pas meilleur. Pas de douche mais de grands bassins où on peut s’asperger avec des seaux, couvertes d’un sarong. Pas très pratique mais nous sommes dans un monastère Thaïlandais et on ne se douche pas nue ! Le spectacle, somme toute charmant, me fait penser à des oiseaux qui s'ébattent dans une flaque.
    J’ai la chance de trouver une mousse qui fera office de matelas, sinon c’est la natte en coco posée sur un socle en béton.

     

    Jour 24.

    L’une après l’autre, toutes les zones de mon corps se dégagent et une nouvelle couche arrive à la surface quelquefois très dure. Il faut encore pilonner. Ça résiste. Je vois des tiraillements, des arrachements, des “cancers”, ça gigote, ça tressaute, ça se tortille, ça ne veut pas lâcher, je transpire. C’est dur. Je vois des dents qui grincent, des visages la tête dans les mains, pleurants. Puis la zone se dissout et se dégage et souvent maintenant avec un magnifique éclat de rire.

     

    Jour 25.

    Je suis de plus en plus attentive à la Présence de l’Instant. Je remarque que, quoi que je fasse, je pense déjà à ce que je ferai ensuite. J’en prends conscience et reviens dans l’instant, la tête libre de pensée pendant de longs moments et c’est bon et reposant. Souvent maintenant, lorsqu’une pensée se manifeste, je la ressens comme une pollution.

     

    Jour 26.

    Pensée du réveil
    Dès qu’il y a pensée, on s'écarte de l'Unité.
    Devenez rien, vous serez tout.
    Je suis heureuse de le voir à présent: c’est une évidence.
    Pour Voir, il faut comprendre. Et pour comprendre, il faut tout lâcher, tout désapprendre, être comme le petit enfant qui vit totalement dans la Présence de l’Instant, sans opinions, dans le Je Suis.
    Les Églises, dans leur désir de pouvoir et de domination, sont grandement coupables d’avoir détourné, altéré, corrompu, la Réalité de la Vie dans sa Pureté. Elles en ont fait un ramassis de croyances culpabilisantes qui n’ont rien à voir avec la Vie, avec la Vérité unique pour TOUS, la VIE. Le jour où l'humanité découvrira la Vérité (et la supercherie) elles n’auront plus leur raison d'être.
    La science vraie, la connaissance vraie, sont bannies, punies, persécutées ou tombent de vieilesse par habitude de s'en remettre aveuglément à des autorités établies. Les mots sont répétés avec érudition ou ignorance sans que le sens véritable soit vécu, sauf par le petit nombre. 
    Les religions ne sont qu’un pont vers la spiritualité. C’est un radeau qu’il faut abandonner lorsqu’on a atteint la rive de la spiritualité. Et la spiritualité est un pont vers la Réalité. Et après la Réalité ? C’est l’Unité.
    Bouddha, Jésus et les grands Maîtres ont vu la même chose. Ils ont ouvert les yeux et ont VU. L’enseignement du Bouddha a eu la chance d’être retransmis de l'intérieur par l'expérience personnelle. Aussi a-t-il pu être préservé. Et surtout, on n’a pas fait de lui un dieu et fabriqué une religion. Comment Jésus aurait-il pu être compris? Un professeur d'université pourrait-il faire passer l’Essence de sa Haute Vision à un élève de primaire? C’est impossible! On s’est donc contenté de rapporter des faits, broder autour et inventer des balivernes et justifier ainsi notre paresse. Où est donc notre intelligence? Pendant une bonne dizaine de jours, je suis restée en colère contre l’Eglise. Impossible de me centrer malgré mes efforts. Comment ont-ils pu profiter ainsi de la crédulité des faibles qui leur faisaient confiance? Comment les prélats osent-ils encore tendre leur améthyste à des enfants qui ont faim? Puisse le voile de l’ignorance se lever bientôt et libérer l’humanité aveugle.

     

    Jour 27.

    Aujourd’hui, je sais qui je suis. Certes pas Françoise avec tous ses attributs familiaux, culturels, environnementaux, etc…
    Je sais qui je suis, je sais d'où je viens, je sais où je vais. J’éprouve un profond sentiment de retour à la maison et c’est très réconfortant.

     

    Jour 28.

    La libération du thorax me procure un soulagement inexprimable, j’en reste sans force. Dans les couches profondes de mon ventre, j’ai vu défiler des images pornographiques.


    Jour 29.

    Au fur et à mesure que le travail se poursuit, je ressens littéralement des ficelles, des filins, des cordes. Elles se dénouent et lâchent. Le corps est réellement enserré par les liens de l’ego. Moi je…  moi je... et mes opinions...
    Les sages et les Maîtres le disent et le répètent et on ne les comprend pas. Ils ont vu et vivent la Réalité de la Vie mais on continue à la chercher dans les livres et les Écritures où jamais on ne la trouvera.

     

    Jour 30.

    Tout est là autour de nous, on baigne dedans et on est aveugles. Nous  sommes ”cela” intrinsèquement. On ressemble à des poissons qui demanderaient: “mais où donc est la mer?” Le poisson EST la mer.


    Jour 31.

    De plus en plus, je vois de la lumière. J’ai complètement nettoyé ma main et j’ai vu à la place comme un gant en caoutchouc translucide rempli de lumière.
    Je viens de traverser toute une couche de sensations vraiment désagréables. De grands lambeaux de peaux se détachent comme des sparadraps trop serrés. J’en avais un de la cuisse au thorax. Toutes les articulations sont enkystées, surtout épaule et hanche droites. Lorsque c’est nettoyé, il semble que je gagne considérablement en ouverture comme des adhérences qu’on enlève au scalpel.
    Je suis éblouie par ce laser qu’est la vision de la conscience qui va avec une précision absolue là où on la dirige. Ça ouvre bien des horizons.

     

    Jour 32.

    J’ai eu une grosse émotion après le dégagement de mes jambes, un calvaire! Le cœur plein de compassion, j’ai vu l'humanité complètement perdue. Les dieux que nous étions, en expérimentant la matière se sont laissés prendre par les sens, piégés par l’ego.
    La matière est la vibration la plus lente de la lumière. Et la lumière est donc la vibration la plus haute de la matière. Si on élève nos vibrations on redevient l'être lumineux de notre origine.

     

    Jour 33.

    Je suis écartelée, décapitée, essorée… le thorax est ouvert en deux, j’ai des araignées sur le corps. Chaque couche nettoyée en laisse remonter une suivante avec des sensations différentes. A présent, j’ai des pluies d'énergie sur tout le corps qui jaillissent de je ne sais quel robinet grand ouvert.
    Les dix jours de la retraite se déroulent hors du temps, rien n’existe que mon travail intérieur, totalement centrée, je travaille de façon ininterrompue, le cœur débordant d’amour.  Le soir du dixième jour, on nous propose de partager notre expérience. Quelle occasion merveilleuse de pouvoir exprimer tout ce que j’ai reçu, tout ce que je reçois, mais mon anglais balbutiant et mon horrible accent français me semblent un obstacle infranchissable. Et pourtant je sais qu’IL FAUT que je le fasse. Et là, mue par je ne sais quelle force, je prends  la parole devant 140 personnes anglophones et leur dis :
    "I want to share with you my beautifull understanding.
    Weall are same, you all are one. We are absolutely pure and wonderfull. 
    The only difference, the only separation is our thoughts.
    Our ideas, our opinions, all our attachements to our culture, religion, families, traditions, environnements, ...
    It is a container that we pull behind us.
    We can get rid of all that, but we prefer to keep our opinions and to be right than to be free. 
    Our thoughts are only tools of creation and we became their slaves. 
    Yesterday evening, I had a big emotion: I saw the humanity totaly lost, totaly lost .
    And my heart was full of compassion. 
    Please, my beloved, my beloved, get rid of your container. 

    Traduction

    Je veux partager avec vous ma belle compréhension.
    Nous sommes tous pareils. Nous sommes tous UN.
    Et nous sommes absolument de purs et merveilleux Etres de Lumière.
    La seule différence, la seule séparation réside dans nos pensées.
    Toutes nos idées, nos opinions, nos attachements à notre culture, notre religion, notre famille, nos traditions, notre environnement...
    C'est un container que nous tirons derrière nous.
    Nous pouvons nous en débarrasser, mais on préfère garder nos sacro saintes opinions et avoir raison plutôt qu'être libres.
    Nos pensées ne sont que des outils de création mais nous en sommes devenus les esclaves.
    Hier soir, j'ai eu une grosse émotion.
    J'ai vu l'humanité complètement perdue, complètement perdue. Et mon cœur était plein de compassion.
    Mes chéris, mes amours, s’il vous plaît, videz vos containers.
    Whaouhhh!!! Je l’ai fait! Je n’en reviens encore pas.
    J’ai eu plusieurs retours de personnes très touchées par l’authenticité et l’émotion qui se dégageaient de mon témoignage.

     

     Jour 34.

    Puis je me retrouve seule dans ce grand dortoir au milieu de la jungle, décidée à y rester jusqu’à la fin de mon séjour.
    Hier soir dans mon lit, mon corps n'était plus que vibrations subtiles, plus de matière, plus de duretés, aucun blocage, plus de crâne, ni mâchoire, ni orbite, ni colonne vertébrale… que des vibrations.
    Et ce matin, horreur! Je suis pleine d’un épais brouillard que je ne peux traverser. Ma tête est lourde. Je mets la journée à nettoyer. Combien de couches? On n’en sait rien.

     

    Jour 35.

    Cette technique est vraiment pleine de surprise. Alors que je scanne mon corps une fois de plus, je me  “dégonfle” entièrement en passant par l’orifice de mon oreille. Incroyable impression d'être un matelas pneumatique troué! Le tout est accompagné de respirations d’une ampleur dont je ne me serais jamais crue capable. Même mes jambes inspirent et expirent. Puis je ressens des morsures d’insectes sur les tendons, puis, pendant mon sommeil, des remontées de gouttelettes d'énergie par ma gorge comme un gargarisme. Puis le matelas pneumatique se perce d’une multitude de petits trous et je me vide de toutes parts. Très amusant! Puis sensation de vêtements étriqués, gluants, collés au corps qui se détachent par grands lambeaux ou petits bouts de sparadrap. Mon mollet droit coule à gros flots ininterrompus. Dix années de traumatisme doivent s'éliminer.

     

    Jour 36.

    Pensée du réveil: nous n’avons jamais plus d'épreuves que nous ne pouvons en supporter. C’est nous-mêmes qui nous sommes mis dans la condition où nous sommes. Nous pouvons donc faire le chemin en sens inverse.

     

    Jour 37.

    Encore une couche d’une incroyable dureté comme celle des débuts et j’ai bien failli me laisser aller au découragement. Refaire toute cette somme de travail? Toutes ces heures !!! Non, c’est trop! Je vais faire un tour et prendre une douche et me réinstalle, prête à passer de nombreuses heures à taper dans le dur. C’est reparti ! et là… dès le premier passage de “reconnaissance” en douceur avant le coup de collier, tout s'effrite et tout lâche. En quelques secondes le château de cartes s’est effondré. Ouf!
    J’ai remarqué qu'à chaque fois que je suis sur le point de me décourager, une petite voix me rassure, m'incite à continuer et me donne une indication pour la suite.
    A présent, les couches se succèdent rapidement et souvent un regard suffit à les faire disparaître. Délicieuses sensations de n'être plus qu’une masse d'énergie vibrante qui s'échappe par les mains et les pieds.
    Mais une nouvelle couche me serre comme un étau, comme une camisole de force et l'intérieur du corps est plein de colle épaisse. Un film d’horreur !

     

    Jour 38.

    J’apprends à utiliser mon outil, mon laser-conscience-lumière, soit en l’envoyant largement et intensément pour combler une cavité et dissoudre plus facilement, soit en l’utilisant comme un scalpel pour détacher les adhérences. J’ai découvert un petit kyste sous mon omoplate. Je le balade avec mon laser mais il ne se laisse pas pulvériser facilement. J’ai tellement insisté sur cette zone que de grands pans d'épaule et bras droit se sont effondrés. Il reste le petit kyste, tout seul dans l’espace.
    La force de notre intention est d’une puissance sans limite.

     

    Jour 39.

    Le visage  se désagrège, je contourne les orbites par le dedans côté cerveau, je touche la poitrine de l'intérieur lorsque le dos s’est effondré… toutes ces sensations sont vraiment spectaculaires.
    La camisole de force qui enserre la poitrine, la taille, l'épaule, le cou, se reforme mainte et mainte fois. D'épais bandages très serrés sont solidement fixés à la colonne, au thorax, la hanche, le cou par de solides tendons. C’est épuisant.
    Il n’y a pas de mots pour exprimer le soulagement à la libération de toute cette zone. L'émotion est intense, plus jamais ça!
    Comment avons-nous pu en arriver là? Totalement ligotés par nos pensées désordonnées et on ne le voit pas. On se ligote soi-même. Il me monte dans le cœur une immense compassion pour l'humanité aveugle.

     

    Jour 40.

    Toute la partie droite de mon corps est engorgée, pleine de colle et de filaments qui adhèrent partout. Je travaille sans relâche jusqu'à l’endormissement et recommence dès que ma conscience émerge avant le lever du jour. Les chairs de ma hanche droite sont “cousues” ensemble. Horreur! Toute cette glu tient bon comme une pieuvre ou une hydre à mille têtes qui m’emprisonne étroitement. Je n’en viens pas à bout. Je transpire abondamment. Où donc est le germe de cette horreur? J’ai alors l'idée (on me l’a souffle) de balayer de larges pans avec ma conscience-lumière et je fais bien. Des adhérences collent au genou et au coude, font le tour de la fesse, adhèrent à l’aine. Puis cette fondue savoyarde refroidie devient plus faible et lentement se dissout. Quel boulot! Le tout est accompagné de grands gestes des bras, des épaules, des hanches, contorsions du torse, quelquefois aussi des gestes convulsifs dans les membres pendant plusieurs minutes. Heureusement que je suis seule dans ma chambre.  Encore une découverte : lorsque l’énergie se libère, dégageant toute une couche, mon corps accompagne le flux par d’amples mouvements très souples et gracieux qui me font penser au Tai Chi Chuan.
    Toute une nuit, pendant mon sommeil, tout mon corps s’est mis à démanger et je me grattais frénétiquement de la tête aux pieds. Chacun de mes pores présentait une aspérité granuleuse comme la chair de poule. Et chacun de ces « picots » expulsait un minuscule grain de sable que je pouvais sentir sous mes ongles. Que c’est étrange !

     

    Jour 41.

    J’ai repéré des trucs bizarres dans mon épaule. Des espèces de tendons agglutinés la relient à la hanche et la colonne, un plat de spaghettis collés ensemble, une vraie pieuvre. Je travaille de plus en plus en profondeur. Lorsque tout est nettoyé entre deux couches, mon corps n’est plus qu’une masse d'énergie. Je la fais tournoyer, traverser mon corps simultanément par la droite et la gauche, je m’amuse un peu après tout ce travail.
    Quelle n’est pas ma surprise… Les filins inexpliqués sont des canaux d'énergie figée, enkystés. J’ai eu l'idée de suivre leur trajet l’un après l’autre, tout en les dégageant et ils m’ont menée à de tous petits orifices à l’aine, la taille, le cou. L'énergie s'en échappe avec des petites bulles et un bien-être indicible.
    Puis je sens sur tout mon corps, même la tête, une quantité de petits fourmillements et tout un réseau de petits canaux qui circulent partout. La Vie circule et c’est bon. Je pense à ces images de yogis et les réseaux d'énergie qui parcourent leur corps. J’ai l’impression que mon rêve va devenir réalité.

     

    Jour 42.

    Pensée du réveil: Lorsqu’on vit l'Unité, non seulement on obtient tout ce dont on a besoin, mais aussi tout ce dont on a envie. Mais attention!!! C’est ce qui nous a perdus. Tout ce qu’on désire, oui, mais toujours à la lumière de la conscience. La Vie… La Vie telle qu’elle Est dans la Réalité.
    Dès qu’on Voit l'Unité, il n’y a plus de chemin à parcourir, il ne reste plus qu’à en jouir et commencer à Vivre.

     

    Jour 43.

    L’hydre à mille têtes revient encore et encore avec ses puissants tentacules qui m’oppressent et me serrent le cou. Où donc est la racine? Je croyais que c'était cette masse de faisceaux agglomérés dans mon épaule, mais non. Je dois donc balayer encore plus large et m’y emploie. C’est épuisant. Quand cela finira t-il ? Je sens qu’au niveau du mollet droit, les tentacules s’affaiblissent et j’y envoie toute mon énergie. Et tout se dissout. Enfin ! C’est alors seulement que tous les petits canaux s’ouvrent à la vie. Je la sens circuler entre les petits orifices à chaque extrémité des canaux partout dans le corps.
    Le point de départ n’était pas encore dans mon mollet mais dans le petit orteil. En fait, le réseau doit être entièrement décongestionné des pieds à la tête. Après des heures et des heures de travail acharné, l’hydre à mille têtes est vaincue, enfin! Je ne comprenais pas et ne savais pas comment travailler. En fait, cette colle, cette fondue savoyarde, c'était de l'énergie bloquée. C'était comme des faisceaux de caoutchouc qui m’oppressaient et m’enserraient comme une pieuvre. J’ai mis longtemps à trouver. Un vrai film d'épouvante.
    Avec le dégagement de la colonne, des milliers de petits canaux irriguent tout le corps. Et pour la première fois, j’ai senti un début de montée de kundalini avec cette belle énergie en zigzag mais me contente de l’observer, un peu craintive et pleine d’admiration pour ce qui m’arrive.

     

    Jour 44.

    Hier soir dans mon lit, j’ai recommencé à sentir cette énergie particulière vibrer à la base de ma colonne et vécu ma première expérience de l'éveil de la kundalini, j’ai senti cette énergie monter dans ma colonne vertébrale jusqu’au sommet du crâne, transpercée par une colonne de lumière qui s'échappe de ma tête.
    La kundalini. Cette énergie Déesse, vitale et spirituelle, présente en chacun d'entre nous avec le même potentiel de richesse intérieure, est impatiente de se manifester. Un nouvel état de conscience s'installe alors avec une profonde connaissance de soi. La réalisation du Soi, est un processus naturel et spontané qui commence par la prise de conscience et l'éveil de l'énergie spirituelle.
    Le plus difficile est derrière moi maintenant.
    En résumé: pour fonctionner de façon saine et parfaite, le corps doit pouvoir laisser circuler librement l'énergie. Tous les petits canaux doivent être libres. Or, ils sont asphyxiés, encrassés, enkystés. Et ce sont nos pensées désordonnées, nos scénarios, nos constructions mentales qui provoquent ce désordre entraînant inévitablement malaises et maladies, souffrances, mal-être.
    Chaque pensée qui n’est pas dans l’instant est une impureté dont il faudra se débarrasser. Alors corps et esprit rejoignent l'Unité. Ce n’est pas de la spiritualité mais de la science pure.
    La libération, c’est de la science. La méditation Vipassana est d'ailleurs enseignée comme telle aux USA.
    Tout ce travail… depuis 3 années, … 3 années et 2 mois, ce n'était que ça, libérer les canaux énergétiques. Aujourd’hui, je sens mon corps respirer. Il respire de sa propre respiration nettement dissociée de la mienne. Fantastique ! Quelle merveille!
    Le “cerveau” de l’hydre n’est pas encore détruit. Il est tapi dans ma hanche et essaie encore d’envoyer ses tentacules. Mais maintenant je connais mon ennemi et l’aurais par la douceur. Je le cajole, je le caresse, il cède doucement.

     

    Jour 45.

    Le rétablissement du réseau n’est pas une petite affaire non plus. C’est une rivière asséchée depuis longtemps qui subit une inondation. Les canaux commencent par être submergés, c’est même un peu douloureux. Elle ne trouve pas son chemin et stagne un peu partout dans mon corps avant de trouver son lit. Je la sens monter en gros bouillons puis elle crée des ramifications comme le réseau veineux. Il faudra des heures de travail de patience et de minutie.
    Après plusieurs passages, il se met en place sur tout le corps un circuit intégré. Je n’ai pas d’autres mots pour exprimer ce que je ressens, c’est de l'électricité ou plutôt de l’électromagnétisme. Ça attire et repousse.

     

    Jour 46.

    Quel réveil surprenant, mais je ne compte plus les surprises. En pleine nuit, je suis réveillée par le courant qui me traverse le corps,  me vrille toute la colonne et laisse l'énergie s'échapper par ma bouche avec des gargouillis.  Ici, dans le monastère de Suan Mokkh, l'électricité est coupée à 22h et rétablie à 4h du matin. Ce phénomène s'est produit au moment du rétablissement du courant. Ce n'est arrivé qu'une fois.
    A présent je travaille 24h sur 24. Je ne m’accorde qu’une demi- heure pour le repas et pour la douche. Je ne sors plus de ma chambre. Je sens qu'il va se passer quelque chose.
    La pieuvre repose encore ses tentacules mais cette fois les faisceaux sont à leur place, se gonflent d'énergie qui circule librement et redonnent vie à toutes les zones sclérosées.
    Cette merveilleuse énergie, dans sa merveilleuse intelligence, prend sa merveilleuse place et va exactement là où il faut dans ce merveilleux corps si vivant. La merveilleuse énergie guérit les zones endommagées avec de jolis mouvements en zigzags. Elle se promène, contourne, agit. Je me laisse faire, je contemple, et c’est délicieux, c’est magique. Je suis un merveilleux ballon d'énergie vivante, intelligente, aimante, guérisseuse. Mon corps respire et respire, ma propre respiration est pratiquement inexistante. Tous ces petits tuyaux se remplissent les uns après les autres et font un “gloub gloub “ lorsqu’ils sont pleins. Merveilleuse sensation de calme, paix, béatitude totale. Un vrai miracle de précision,  d’intelligence et de beauté. Tout le réseau électrique prend place d’abord grossièrement puis de plus en plus finement. Le passage de la tête serait presque inquiétant si je n’avais une totale confiance dans ce miracle de la Vie. Comme des milliers de ruisseaux, l'énergie monte par le cou, vire à droite et s'étend sur toute la partie supérieure du crâne et dans la mâchoire supérieure. Puis des vrillettes s’insinuent dans le front, les orbites, les sinus, les dents, le palais. Lorsqu'arrive le tour de la langue, la sensation est des plus étonnante: elle se tortille comme un petit serpent. Les vaisseaux se rejoignent alors dans la nuque et finissent d’irriguer tout le corps par un circuit bien établi dont ils se souviennent.
    Je suis allongée dans mon lit, consciente de tout ce qui m’arrive, parfaitement paisible, je savoure cette aventure étonnante et fantastique car je sais que je ne la vivrai qu’une fois.
    Par moment je sens une très légère contraction et à l’autre bout du circuit un petit frisson électrique envoie un flux dans la zone qui “appelle”. Impressionnant! Le corps accomplit cela de façon incessante, appel, réponse, appel, réponse, et tout circule. Et tout cela RESPIRE. Et c’est beau. Un “courant” appelle dans mon genou et l'énergie afflue dans ma cuisse. Et ce n’est plus une rivière mais le fleuve Amazone qui remonte par ma fesse, ma hanche, ma taille jusqu'à l'épaule. Tous les petits canaux de la colonne vertébrale s’activent en remontant du coccyx en une série de petits “gloub gloub” très amusants.
    Puis un magnétisme circule au dessus de tout le corps en mouvements circulaires très agréables, que je ressens comme guérisseurs. Chaque étape succède à la précédente dans un ordre parfait. On ne peut pas brûler les étapes. Tout le réseau finit de prendre sa place extrêmement finement comme un léger tissu électromagnétique avec de très jolies petites énergies qui serpentent en tourbillonnant autour du corps et des membres. Une rigolote spirale tourbillonne sous le nez avec des petites étincelles comme la fée Clochette. Mon corps n’existe plus, je ne suis plus rien, je suis le cosmos, c’est extraordinaire!
    A chaque passage, je retrouve la mémoire de la pieuvre, mais à présent elle est devenue mon amie et me montre le chemin du faisceau énergétique. Je peux accompagner avec ma conscience-lumière.
    La kundalini est très active, elle jaillit par la fontanelle et j’essaie de calmer le jeu, en vain. Elle irradie toute la colonne et la tête qui ne sont plus qu’une colonne de lumière qui pulse avec puissance sur toute la largeur de mon corps. Je la laisse accomplir son travail purificateur qui n'en finit pas et essaie de la rediriger vers le bas mais sans résultats. Elle irradie le bassin et je parviens à la contenir mais elle reste au niveau des reins, prête à remonter. Une balade ne la calme pas. J’essaie la douche froide sans plus de réussite. Elle ne me laisse aucun répit, pas moyen de m’endormir. Alors je la laisse vivre sa vie et m’endors alors qu’elle s'échappe de toutes parts par ma tête, mon front, mes yeux, même ma bouche.
    Et au milieu de la nuit, merveille des merveilles, des milliers de fines gouttelettes s'échappent de ma colonne. Elle savait ce qu’elle faisait! Et moi qui cherchais encore à contrôler. On ne contrôle pas l’Intelligence de la Vie. Et alors… c’est mieux que le Futuroscope et Disneyland réunis. Elle irradie tout le corps en magnifiques mouvements symétriques tourbillonnants, répondants à de petites impulsions électriques sur les points d’acupuncture (je suppose).  Lorsqu’elle a fini son travail, elle redescend gentiment dans le bassin et continue son merveilleux travail dans les jambes pour enfin regagner son logement.

     

    28 février 2011.

    C’est mon dernier jour à Suan Mokkh. Lorsque je suis arrivée un mois plus tôt, je n’aurais même pas imaginé une telle réussite.
    Je suis un yogi, whaouhhh!!!
    Mon rêve est réalisé, c’est l’Eveil, c’est une nouvelle vie.
    Pas facile de prendre le train avec une kundalini prête à jaillir dans la tête. Je cherche à la raisonner, ce n’est pas le bon moment, mais n’y parviens pas. Allongée dans la couchette en direction de Bangkok, je la laisse s'échapper et m’endors ainsi. Je passe alors la nuit la plus atypique de ma vie et sans doute de toutes les personnes dans le train. Après avoir pulsé un long moment, elle se calme. Puis les manifestations se produisent dans mon corps mais les vibrations du train m'empêchent d’en jouir pleinement. Elle remonte très lentement cette fois, je sens mes chakras, elle marque un long temps d'arrêt sur le centre du cœur. Les sensations  sont trop subtiles pour que je puisse les ressentir dans les conditions dans lesquelles je me trouve. Je l’ai sentie agir toute la nuit sur tous les circuits de mon corps, stimulant chaque canal l’un après l’autre. C’est magique. Je suis dans une sorte de coma conscient où je vois ma tête immense et telle un soleil.
    Je sais à présent que je ne dois pas essayer de la juguler. Lorsqu’elle se manifeste, c’est qu’elle a un travail à faire et ne me laissera pas en paix avant que ce soit accompli. Quelle nuit!
    On demanda un jour au Bouddha ce qu'est le bien véritable. Il répondit que le bien suprême est l'aptitude à garder l'équilibre de notre esprit malgré toutes les vicissitudes, les hauts et les bas de la vie. On peut être confronté à des situations agréables ou douloureuses, à la victoire ou à la défaite, au profit ou à la perte, à la bonne ou à la mauvaise réputation : chacun est obligé de les rencontrer toutes. On peut se sentir attaqué même si ce n’est pas justifié et réagir par ignorance. Mais peut-on sourire dans chaque situation, d'un vrai sourire qui vient du cœur? Si l'on a cette équanimité au plus profond de soi, on détient le vrai bonheur.
    Je connais beaucoup de personnes se prétendant bouddhistes et n’ayant jamais pratiqué la méthode du Bouddha, la méditation Vipassana. Ce n'est alors que jeux intellectuels. C’est comme lire le menu dans un bon restaurant et ne jamais goûter les plats délicieux qu’il propose.
    On raconte que le Bouddha avait dans son entourage beaucoup de disciples très fiers de figurer parmi les proches du Maître et parlant beaucoup de ses mérites, de sa grande sagesse, de la justesse de ses sermons, etc… Un disciple ne restera jamais qu’un disciple. Un jour, un passant s'arrête, écoute attentivement l’enseignement du Maître puis s'éloigne dans la forêt. Lorsqu’il revient deux années plus tard, il était libéré et éveillé.
    Je suis cet homme!
    Quand on découvre ainsi une technique éprouvée par un Maître qui a réussi et atteint son but il ne faut pas se contenter d'appliquer la technique et suivre le Maître car alors on devient un disciple et seulement un disciple. Il faut adhérer, coller totalement à cette technique, la faire sienne, la vivre comme si on l'avait découverte nous-mêmes.
    Ainsi on réduit l'écart entre le procédé et le but, entre nous-mêmes et la cible. Nous sommes à la fois l'archer, la flèche et la cible.
    Et le sentiment éprouvé pour le Maître n'est plus de l'émerveillement mais de la gratitude.
    Je vois vivre les gens, je vois leurs problèmes, leurs peurs, leur anxiété, leurs désirs, tout ce qui fait ce qu’on appelle un être humain. Je vois tout cela et ne peux rien dire, rien faire. Ils se sentent victimes. Ils ne sont pourtant victimes que de leur ignorance. Il suffirait qu’ils désirent un changement et entrent en eux, regardent dans leur corps, concrètement. Que se passe t-il dans mon épaule? Que se passe t-il dans mon mollet? Cela oblige à être présent et le soulagement ressenti survient très rapidement. La clé, c’est la présence de l’instant et l’attention au corps. Ça semble trop facile?

    Essayez donc !